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Ur III

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La période dite « de la IIIe dynastie d'Ur » (en abrégé, Ur III) correspond en gros à un siècle d'histoire, soit à peu près tout le XXIe siècle avant notre ère. En deux générations les souverains de cette dynastie sont parvenus à étendre leur influence sur une bonne partie de la Mésopotamie et de la zone orientale de l'Iran, construisant un véritable empire (et non pas un simple royaume) puisqu'il finit par englober aussi bien le pays de Sumer que la Babylonie, la moyenne vallée du Tigre, les vallées de piémont d'une partie du Zagros et l'Elam.

Cette nouvelle expérience de type «impérial », venant après celle de l'Empire akkadien qu'avait créé Sargon pour la première fois en Mésopotamie deux siècles auparavant, est parfois qualifiée de «néo-sumérienne » (et l'on parle même à son sujet de «renaissance » sumérienne), les rois d'Ur ayant essayé de faire revivre les vieilles traditions de l'époque pré-sargonique, tout en cherchant à imiter ce qu'avaient réussi à faire juste avant eux les rois d'Akkad.

Peu de choses sont connues sur Ur-Nammu, fondateur de la dynastie, qui était au départ simple gouverneur militaire (ŠAGIN) de la ville d'Ur. On sait simplement qu'il succéda à Utu-hegal, roi d'Uruk surtout connu pour avoir mis fin à la domination des Guti (responsables de la chute de l'empire d'Akkad). Ce règne d'Ur-Nammu constitua sans doute un moment crucial, ce souverain parvenant en une quinzaine d'années à supplanter définitivement Lagaš (qui avait connu elle aussi une «renaissance » avec son prince Gudea), à arbitrer des conflits entre plusieurs cités-États de Babylonie centrale, à contracter des alliances avec une ville aussi lointaine que Mari (sur le moyen Euphrate), à entreprendre de nombreux travaux de construction dans plusieurs cités du Sud mésopotamien, et notamment à Ur (cf. la grande ziggurat de cette ville). En outre, premier souverain à avoir pris le titre de «roi de Sumer et Akkad », il est peut-être également l'auteur (plus de trois siècles avant Hammurabi) du plus ancien «code de lois » jamais écrit. Le long règne (quarante-huit ans) de son fils et successeur Šulgi nous est mieux documenté, ce règne ayant sans doute constitué le moment central et l'apogée de l'histoire de la dynastie. C'est à cette époque qu'à l'extérieur, l'empire connut l'extension territoriale la plus forte (notamment vers le Tigre et l'Iran) tandis qu'à l'intérieur se construisit un véritable État bureaucratique grâce à une série de réformes politiques, administratives et économiques.

Bon nombre des réformes mises en place par Šulgi nous sont notamment connues par le libellé des noms d'années qui ont servi à dater tous les textes rédigés pendant son règne; parmi ces réformes, on peut noter entre autres: la réorganisation de l'administration des temples, la création de structures administratives unifiées pour la Babylonie et le pays de Sumer – avec des réformes introduites aussi bien dans le système d'écriture que dans celui des poids et mesures –, la création d'une armée régulière ainsi que la mise en place d'un réseau de messageries et de relais de poste pour les courriers parcourant l'empire, enfin une tentative d'introduction d'un système de calendrier unifié pour tout l'empire.

Sur le plan économique, les réformes entreprises par Šulgi ont contribué à placer sous contrôle de l'État toutes les propriétés foncières (jadis possession des temples), même si elles continuaient, de façon fictive, à être décrites comme appartenant à tel ou tel dieu dans telle ou telle localité. Tous les surplus de la production économique furent ainsi, dorénavant, absorbés par le pouvoir central.

Ce phénomène d'intense concentration est sans doute unique dans toute l'histoire de la Mésopotamie. Malgré toutes les tentatives unificatrices que purent avoir par la suite, et pendant deux mille ans, les souverains de Babylonie ou d'Assyrie, jamais ils ne parvinrent à imposer à nouveau un tel degré de dirigisme politique, administratif et économique.

On peut estimer que, après la période d'apogée que représente le long règne de Šulgi, un début de décadence fut amorcé dès le règne de ses deux fils et successeurs, Amar-Sîn et Šu-Sîn, décadence qui s'accéléra sous le règne du dernier roi de la dynastie, Ibbi-Sîn. Malgré un règne de vingt-quatre ans, celui-ci ne put d'ailleurs préserver l'empire au-delà de sa quatrième année de présence sur le trône.

Pour la cinquantaine d'années que couvre la période allant de la fin du règne de Šulgi jusqu'à la chute d'Ibbi-Sîn, les assyriologues disposent aujourd'hui de plusieurs dizaines de milliers (60 000?) de documents administratifs et comptables, énorme masse documentaire rédigée par une bureaucratie qui ne fut sans doute jamais aussi puissante qu'à cette époque-là. Les principaux sites ayant fourni des tablettes de cette époque sont Puzriš-Dagan, Nippur, Girsu), Umma et Ur.

Malgré cette abondance de la documentation, il n'est pourtant pas facile de décrire avec concision l'organisation de l'empire d'Ur III. Sans doute est-il commode de distinguer, comme l'a fait récemment l'assyriologue américain P. Steinkeller, entre le « centre » de l'empire et sa « périphérie ».

Le cœur de l'empire comprenait grosso modo les régions de Sumer et de Babylonie. Il était divisé en une vingtaine de provinces correspondant, dans la plupart des cas, aux territoires des anciennes cités-États sumériennes de l'époque pré-sargonique. La différence, désormais, était que l'administration de ces provinces était confiée à des gouverneurs (sumérien: ENSI3), hauts fonctionnaires mis en place directement par le roi.

En ce qui concerne ces gouverneurs, on notera qu'il existe aujourd'hui de nombreux indices qui montrent qu'ils furent en réalité choisis au sein des grandes familles locales dans chacune des provinces et que leurs fonctions, au cours du siècle que dura l'empire, eurent de plus en plus tendance à devenir héréditaires. Ce choix délibéré des rois d'Ur était sans doute habile mais aussi dangereux. Tant que le pouvoir central fut fort (c'est-à-dire en gros sous Šulgi et son successeur Amar-Sîn), ce fut un moyen pour lui de s'attacher les élites locales. Mais ensuite, renforcées dans leurs prérogatives, celles-ci devinrent une menace permanente et leur pression croissante finit par annihiler complètement le pouvoir des derniers rois d'Ur (Šu-Sîn et Ibbi-Sîn).

En dehors du gouverneur civil (ENSI3), chaque province disposait aussi d'un gouverneur militaire (ŠAGIN), indépendant du pouvoir civil et relevant directement de l'autorité centrale, soit du grand vizir (SUKKAL.MAH), soit du roi lui-même. Et il est intéressant de constater que, contrairement aux ENSI3 issus, comme on l'a dit, des grandes familles locales, les ŠAGIN semblent, quant à eux, avoir tous été des homines novi, souvent originaires d'ailleurs de l'étranger comme le montrent leurs noms qui sont plus souvent élamites, hurrites, akkadiens ou amorrites que proprement sumériens. En outre, beaucoup d'entre eux finirent par être directement liés à la famille royale par le jeu de mariages avec des membres de cette famille; comme si les rois d'Ur avaient voulu créer et s'attacher fermement une classe nouvelle de hauts responsables militaires entièrement dévouée à leur cause.

Au total, il y avait donc, dans chaque province de l'empire, un pouvoir bicéphale, le but poursuivi par les rois d'Ur ayant sans doute été d'éviter qu'un seul homme finisse par concentrer localement entre ses mains un trop grand pouvoir. Dans l'organisation politique et administrative de l'empire, il faut également parler du rôle du SUKKAL.MAH, sorte de premier ministre relevant directement du roi et exerçant une puissante autorité dans de nombreux domaines de l'administration civile et militaire, et notamment des territoires situés à la périphérie.

Pour ce qui touche à l'organisation économique, trois secteurs peuvent être distingués: le secteur des temples (administrés par de hauts responsables portant le titre de ŠABRA) qui représentaient en fait de véritables unités de production, contrôlaient la plus grande part des terres agricoles et concentraient ainsi l'essentiel de l'activité économique de chaque province; le domaine royal avec, notamment, toutes les terres royales attribuées par le roi à certains personnels (militaires et autres) en échange de leur service, ainsi que les grandes manufactures et ateliers royaux (textile, métallurgie, etc.); et le secteur privé, qui nous est moins bien connu faute de sources suffisamment nombreuses et explicites, mais qui a néanmoins sûrement existé, tout en jouant un rôle secondaire.

Si la production économique était ainsi étroitement contrôlée et dirigée, la circulation des biens ne l'était pas moins. Furent ainsi mis en place par les rois d'Ur de puissants mécanismes de contrôle. Le plus significatif d'entre eux s'intitulait BALA. Il reposait sur l'existence de grands centres d'accumulation et de redistribution des richesses, centres qui furent créés tout spécialement par Šulgi, le mieux connu étant celui de Puzriš-Dagan spécialisé dans les produits de l'élevage. Un autre était sans doute celui de Dusabara, spécialisé dans les produits agricoles, mais il est beaucoup moins bien documenté. Tous deux étaient situés dans les environs de la ville de Nippur, capitale religieuse de Sumer, en position centrale, car pratiquement à mi-chemin entre Ur et la Babylonie.

Chaque province de l'empire devait participer mensuellement et à tour de rôle (= sens spécifique du mot BALA) à l'approvisionnement de ces centres. Le montant et la qualité des produits et des services que devait fournir chaque province dépendait de sa taille et de ses potentialités économiques. La valeur globale des contributions d'une province constituait un fond grâce auquel elle pouvait obtenir en contrepartie certains biens et services dont elle ne disposait pas et dont elle avait besoin. Les contributions pour le BALA étaient délivrées, soit aux grands centres dont nous avons parlé, soit directement à une province voisine dont l'État estimait qu'elle devait être bénéficiaire de tel ou tel produit. Mais une partie non négligeable des ressources du BALA était directement prélevée et utilisée dans les provinces elles-mêmes pour l'entretien de tous les différents services et agents de l'État.

Ce système du BALA, tout à fait unique dans l'histoire de la Mésopotamie, fonctionna correctement, semble-t-il, pendant une trentaine d'années à partir de la fin du règne de Šulgi.

Concernant la «périphérie » de l'empire, nous sommes beaucoup moins bien renseignés. Nous savons que les campagnes de Šulgi lui firent conquérir les régions au nord et à l'est du Tigre, jusqu'au Zagros et au Plateau iranien (les villes d'Aššur et de Suse furent ainsi englobées dans l'empire). Il est en fait impossible aujourd'hui de déterminer l'étendue exacte de ses territoires ni de connaître grand-chose sur leur statut politique et économique. On sait simplement que ces régions périphériques ne participaient pas au système du BALA. Elles étaient dirigées chacune par un seul et unique gouverneur militaire (ŠAGIN) et devaient payer un tribut annuel (GUN. MADA).

Ces régions tributaires dans lesquelles tous les rois d'Ur, année après année, durent aller guerroyer et dans lesquelles ils entretinrent d'ailleurs d'importantes garnisons militaires, formaient ainsi une région semi-contrôlée à l'est de l'empire, servant à la fois de zone d'approvisionnement en diverses richesses et de territoire tampon contre les ennemis plus lointains. À propos de ces tributs prélevés dans les régions périphériques, il est intéressant de voir que sur la centaine de textes dont nous disposons et qui documentent le paiement du GUN MADA, 35 datent du règne de Šulgi, 35 de son successeur Amar-Sîn, mais seulement 19 de Šu-Sîn et 2 d'Ibbi-Sîn, les derniers rois de la dynastie: cela témoigne sans doute de la fragilité croissante d'un empire qui ne resta réellement solide qu'une douzaine d'années après la mort de Šulgi.

La tradition rapporte que c'est d'ailleurs un raid élamite (venant donc de l'est et du Plateau iranien) qui mit fin à l'empire en 2004 av. J.-C. Mais en réalité, ce sont les Amorrites qui s'installèrent sur les décombres de l'empire (le premier d'entre eux étant Išbi-Erra d'Isin), recueillant son héritage et inaugurant une nouvelle période de l'histoire de la Mésopotamie où devaient s'illustrer des villes comme Isin, Larsa, Babylone, Ekallâtum, Ešnunna ou Mari.

On peut donc au total se demander quels phénomènes provoquèrent en définitive la brusque disparition de cet empire d'Ur III. Les pressions extérieures, notamment élamites et amorrites, furent-elles déterminantes ou bien l'incapacité de l'énorme appareil bureaucratique mis en place à gérer efficacement l'empire? Sans doute un peu les deux à la fois.

Quoi qu'il en soit, cette époque d'Ur III reste fondamentale dans l'histoire ancienne de la Mésopotamie*: il s'agit en effet d'une période charnière où a été récupéré et fixé l'héritage des époques antérieures et où se sont mises en place, en un siècle, de nombreuses structures qui ont continué à servir de cadre et de référence dans plusieurs domaines au cours des siècles suivants. Cette époque connut également une véritable floraison de la «littérature », ce qui devait avoir une influence considérable sur la culture des siècles postérieurs. Prières, hymnes, textes religieux (en liaison notamment avec le rite du Mariage sacré), épopées (célébrant notamment la geste de la Ire dynastie d'Uruk, celle de Gilgameš, dont se réclamait Šulgi), etc., furent ainsi mis par écrit. À la chute de l'empire, c'est vers le genre littéraire des Lamentations que l'on se tourna, manière de continuer à célébrer la grandeur de cette dernière grande époque sumérienne à l'issue de laquelle les Sumériens devaient effectivement disparaître définitivement de la scène historique

Bibliographie: D.R. FRAYNE, Ur III Period (2112-2004 B.C.), RIME 3/2, Toronto, 1997. J.-P. GREGOIRE, Archives administratives sumériennes, Paris, 1970. W. SALLABERGER, «Ur III-Zeit », dans W. Sallaberger et A. Westenholz, Mesopotamien. Akkade-Zeit und Ur III-Zeit, OBO 160/3, Fribourg, 1999. P. STEINKELLER, «The administrative and economic organization of the Ur III State: the core and the periphery », dans McG. Gibson et R.D. Biggs, The Organization of Power, Chicago, 1987.

From: B. Lafont, Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, "Ur III", p. 878-882.

The Name Ur III

The period commonly known as the Ur III period—short for the Third Dynasty of Ur—has been named according to its place in the Sumerian King List (SKL), where it figures as the third dynasty originating in Ur holding hegemony over Sumer. The existence of a Second Ur Dynasty has been doubted, but the name Ur III remains standard.

Chronology

According to the now contested middle chronology the Ur III period is dated to the last century of the 3rd millennium BC (210x – 2004).

King Reign
Ur-Nammu2112-2095
Šulgi2094-2047
Amar-Sîn2046-2038
Šu-Sîn2037-2029
Ibbi-Sîn2028-2004̱

Sections Within Ur III

Ur III Prosopography

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